Incendies de Los Angeles: interrogations et critiques autour des infrastructures pour combattre le feu
Par leur fulgurance et leur intensité, les incendies qui ravagent Los Angeles depuis mardi ont soumis ses infrastructures de lutte contre le feu à rude épreuve, faisant naître interrogations et critiques.
Le fait est marquant: des bouches d'incendie qui se retrouvent à sec en pleine lutte contre les flammes, dans le quartier huppé de Pacific Palisades, dévoré depuis mardi par le principal foyer de cette violente vague de feux.
"Nous avons besoin de réponses pour savoir ce qui s'est passé", a écrit vendredi dans une lettre ouverte le gouverneur démocrate de Californie Gavin Newsom.
Qualifiant de "profondément perturbants" le manque d'approvisionnement en eau et la perte de pression aux bouches d'incendie survenus dans les premières heures, il a demandé "un examen indépendant complet" des services de distribution d'eau de la deuxième plus grande ville des Etats-Unis.
"Le réseau dans une ville comme Los Angeles, qui est en fait un ensemble de villes plus que centenaires, est conçu pour combattre des feux de maisons individuelles. Les services sont structurés pour répondre à des incendies de bâtiments commerciaux ou résidentiels", explique à l'AFP Chris Sheah, professeur en gestion de catastrophe à l'Université Paul Smith, sur la côte est.
"La quantité d'eau utilisée pour un incendie" de ce type "est très différente de celle utilisée pour un feu qui touche des milliers d'hectares. Ils avaient tellement de camions branchés, tellement d'éléments tirant sur le système, ce n'est pas une surprise qu'il soit dépassé", estime le spécialiste. "Il faut s'y attendre."
- Manque "de personnel, de ressources et de fonds" -
Les premières opérations menées ont soumis le système à une demande en eau quatre fois supérieure à la normale pendant une quinzaine d'heures, évalue dans le New York Times la responsable du service des eaux et de l'énergie de la ville Janisse Quiñones.
Au-delà, la responsable des pompiers de Los Angeles, Kristin Crowley, s'alarme d'un manque de moyens structurels.
"Ca fait trois ans que je dis que nous avons besoin de plus d'aide. La situation actuelle ne peut plus durer", a-t-elle martelé vendredi sur CNN, en regrettant que ses services manquaient "de personnel, de ressources et de fonds".
"Nous avons des données qui montrent que nous avons besoin de 62 casernes supplémentaires, qu'il y a eu une augmentation de 55% du volume d'appels depuis 2010. Et devinez quoi? Nous y répondons avec moins de pompiers", s'agace-t-elle.
Si la maison de sa mère, dans la ville sinistrée d'Altadena, a miraculeusement échappé aux flammes furieuses, "la Californie est un Etat qui brûle, nous ne devrions pas être dépassés quand il s'agit des pompiers", s'indigne Kalen Astoor, assistante juridique trentenaire. "C'est là qu'on doit mettre de l'argent: (contre) les tremblements de terre et les incendies."
A quelques jours de son retour à la Maison Blanche, le président élu Donald Trump s'est lui emparé de ces événements dramatiques, entre autres en accusant le président sortant Joe Biden et le gouverneur de Californie, tous deux démocrates, d'"incompétence crasse" et de "mauvaise gestion". "Tout est de sa faute!!!", a attaqué le républicain à propos de Gavin Newsom.
- "C'est leur réalité" -
"Le fait qu'il y ait si peu de personnes décédées (onze selon le dernier bilan des autorités, ndlr), malgré les pertes matérielles massives, témoigne de l'action en temps et en heure des autorités et des pompiers. Les gens ne sont pas pris au piège, ce qui est un risque important avec des vents aussi puissants et des conditions aussi sèches", remarque Chris Sheah.
"Les pompiers californiens font partie des meilleurs du monde. Ils sont si bien entraînés à ces feux, plus que dans la plupart des endroits, parce que c'est leur réalité", poursuit-il.
Comment pour autant mieux les combattre à l'avenir?
"Est-ce qu'on agrandit le réseau d'eau pour augmenter l'approvisionnement? Est-ce qu'on engage davantage de pompiers?", interroge l'expert. "Ce sont des questions que les responsables politiques doivent gérer avec la population locale. C'est un calcul avantage-risque: on peut réduire le risque de tant, ça va coûter tant de plus."
"Il y a eu jusqu'à plus de 8.000 pompiers mobilisés. Et tous ceux de la région qui ne travaillaient pas ont été rappelés", reprend-il. "A-t-on besoin d'un système de cette envergure tout le temps et sommes-nous prêts à payer pour"? C'est toute la question."
G.Muller--LiLuX