Le procureur de la CPI demande des mandats d'arrêt contre des dirigeants talibans
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré jeudi qu'il allait demander des mandats d'arrêt contre de hauts dirigeants talibans en Afghanistan pour la persécution des femmes, un crime contre l'humanité.
Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il existait des motifs raisonnables permettant de croire que le leader suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, et le chef de la justice Abdul Hakim Haqqani, portent la "responsabilité pénale du crime contre l'humanité de persécution liée au genre".
Selon le procureur, "les femmes et les filles afghanes ainsi que les membres de la communauté LGBTQI+ sont en proie à des persécutions abjectes et répétées sans précédent de la part des talibans".
"Notre démarche consiste à dire que le statu quo qui prévaut pour les femmes et les filles en Afghanistan est inacceptable", a-t-il ajouté.
Les juges de la CPI vont maintenant examiner la demande du procureur, Karim Khan, avant de décider d'émettre ou non des mandat d'arrêt, un processus qui pourrait prendre des semaines, voire des mois.
La juridiction, qui siège à La Haye, a été créée pour statuer sur les pires crimes commis dans le monde, tels que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.
La CPI ne dispose toutefois pas de sa propre force de police et s'appuie sur ses 125 États membres pour exécuter ses mandats d'arrêt. En théorie, cela signifie que toute personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI doit être arrêtée si elle se rend sur le territoire d'un Etat membre.
- "Apartheid de genre" -
Après avoir repris le pouvoir en Afghanistan en août 2021, les talibans, qui imposent une version ultra-rigoriste de l'islam, ont promis de se montrer plus souples à l'égard des femmes que lors de leur premier régime, entre 1996 et 2001, quand elles étaient privées de presque tous leurs droits.
Mais les autorités ont progressivement mis en place des restrictions drastiques, effaçant les femmes de l'espace public et poussant l'ONU à dénoncer un "apartheid de genre".
Actuellement, les Afghanes ne peuvent plus étudier à l'école secondaire ou à l'université, aller dans les parcs, les salles de sports, les salons de beauté, ni quasiment sortir de chez elles sans chaperon.
Une loi leur interdit de chanter ou de déclamer de la poésie, en vertu, comme les autres directives, d'une application stricte de la loi islamique. Elle les incite aussi à "voiler" leur voix et leurs corps hors de chez elles.
Certaines radios et télévisions locales ont également cessé de diffuser des voix féminines.
Le chef suprême des talibans a même ordonné d'obstruer et de ne plus construire de fenêtres qui donnent sur des espaces résidentiels occupés par des Afghanes, estimant que cela pouvait conduire à de l'"obscénité".
Le gouvernement taliban assure, lui, que la loi islamique "garantit" les droits des Afghans et des Afghanes et que les critiques faisant état de discriminations sont "infondées".
L'émir Hibatullah Akhundzada vit quasiment reclus dans son fief de Kandahar, bastion historique des talibans dans le sud de l'Afghanistan, et n'apparaît que très rarement en public.
Le gouvernement des talibans n'est reconnu par aucun Etat.
J.Goergen--LiLuX