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Brésil: le destin de Bolsonaro entre les mains de la Cour suprême après son inculpation
Inculpé pour un projet présumé de "coup d'Etat" pour se maintenir au pouvoir en 2022, l'ex-président d'extrême droite du Brésil, Jair Bolsonaro, attend à présent la décision de la Cour suprême qui doit se prononcer sur l'ouverture ou non d'un procès.
Le juge de la Cour suprême en charge, Alexandre de Moraes, a indiqué mercredi avoir donné 15 jours pour que la défense puisse soulever d'éventuelles contestations, avant d'analyser les arguments des parties.
Ensuite, la Cour déterminera d'un éventuel renvoi.
Le Parquet a annoncé mardi soir l'inculpation de M. Bolsonaro et 33 autres suspects, pour la plupart des militaires haut gradés, "accusés d'avoir incité et exécuté des actes contraires aux trois pouvoirs et à l'Etat de droit démocratique".
Selon l'acte d'accusation, basé sur un rapport de plus de 800 pages de la Police fédérale présentant des preuves réunies durant deux ans d'enquête, l'ex-président (2019-2022) était le "leader" d'une organisation criminelle qui a conspiré pour conjurer sa défaite électorale face à son successeur de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
Le parquet argumente que l'accusation est "basée sur des documents manuscrits, des fichiers numériques et des échanges de messages qui révèlent un plan de rupture démocratique et décrivent une conspiration contre les institutions".
Parmi les chefs d'accusation retenus contre Jair Bolsonaro, 69 ans : "coup d'Etat", "tentative d'abolition violente de l'Etat de droit démocratique" et "organisation criminelle armée".
Selon l'enquête, le projet présumé de coup d'Etat n'a pas abouti "en raison de circonstances allant contre la volonté" de M. Bolsonaro, notamment du manque de soutien des principaux dirigeants de l'armée brésilienne.
- Défense "indignée" -
Le gouvernement Lula n'avait pas réagi mercredi à cette inculpation à l'impact retentissant sur toute la politique brésilienne. Le président de gauche à la popularité en berne reçoit mercredi le Premier ministre portugais Luis Montenegro à Brasilia.
La défense de Jair Bolsonaro s'est dite "stupéfaite" et "indignée", estimant qu"aucun élément" de preuve ne relie l'ex-président "au narratif construit" par ses accusateurs.
Jair Bolsonaro a toujours clamé son innocence, se disant victime d'une "persécution" politique.
En cas de condamnation, le cumul des peines pourrait totaliser une quarantaine d'années de réclusion.
Mais les experts estiment qu'il ne devrait pas être incarcéré à court terme.
"Je n'imagine pas cette possibilité, car il ne semble pas que les conditions soient réunies pour une prison préventive (prévue notamment quand un accusé tente d'entraver l'enquête). Il devrait répondre à la justice en liberté", explique à l'AFP l'avocat de droit pénal Leonardo Pantaleao.
L'ex-président est inéligible jusqu'en 2030 pour désinformation sur le système d'urnes électroniques utilisées lors du dernier scrutin.
Il espère toutefois faire annuler cette condamnation pour se présenter à la présidentielle en 2026 en vue d'un come-back comme celui de Donald Trump aux Etats-Unis.
L'ancien capitaine de l'armée a d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises qu'il espérait compter sur l'aide du président américain pour revenir aux affaires.
- Anciens ministres inculpés -
Le Parquet a également inculpé plusieurs membres du cercle rapproché de Jair Bolsonaro, dont Walter Braga Netto, ex-ministre de la Défense, qui était son candidat à la vice-présidence en 2022. Ce dernier est actuellement incarcéré, après avoir été arrêté en décembre par la Police fédérale pour entrave à l'enquête.
Le général Augusto Heleno, qui comme ministre du Cabinet de sécurité institutionnelle était considéré comme l'éminence grise du président Bolsonaro, est aussi visé. De même qu'Alexandre Ramagem, son chef des services de renseignement à l'époque, et son ancien ministre de la Justice, Anderson Torres.
Selon le parquet, l'objectif des conspirateurs présumés était de "demeurer au pouvoir, ou y retourner, par la menace ou par la force, contrariant le résultat de la volonté populaire des urnes".
Le parquet a estimé que l'ex-président avait "conscience" d'un plan visant à assassiner Lula, son vice-président Geraldo Alckmin et un juge de la Cour suprême, et avait donné son "consentement" pour son exécution.
Ce plan, intitulé "poignard jaune et vert" (les couleurs du Brésil), était censé avoir été mis en exécution entre sa défaite électorale d'octobre 2022 et l'investiture du président de gauche, en janvier 2023.
L'enquête fait également état de l'implication présumée de l'ex-président dans l'ébauche d'un décret qui aurait justifié la déclaration de l'état de siège pour annuler le scrutin.
Une "dernière tentative" de coup d'Etat a eu lieu le 8 janvier 2023, lors des émeutes de Brasilia, quand des milliers de bolsonaristes ont saccagé les lieux de pouvoir dans la capitale, une semaine après l'investiture de Lula, a souligné le parquet.
O.Bernard--LiLuX