Entre la crise à Mayotte et le conseil municipal à Pau, Bayrou consulte et compose son gouvernement
François Bayrou a terminé lundi une première série de consultations des forces politiques afin de composer son gouvernement et de trouver un chemin sur le budget. Il a ensuite défendu le cumul des mandats depuis sa ville de Pau dont il entend bien rester maire, ce qui soulève de vives critiques.
Face au conseil municipal de la commune des Pyrénées-Atlantiques dont il est l'édile depuis 10 ans, le nouveau Premier ministre a qualifié d'"erreur" l'interdiction du cumul des mandats pour les parlementaires, une règle établie en 2014 sous la présidence Hollande. "Je pense qu'il faut que ce débat soit repris", a-t-il déclaré, précisant qu'il poserait cette question dans son discours de politique générale.
Et de justifier sa position par "la rupture entre la base de la société française (...) et les milieux de pouvoir", qui nourrit, selon lui, "une défiance profonde à l'égard du monde politique, toutes formations confondues".
Le président du MoDem a aussi confirmé son intention de rester maire de la ville.
A gauche, les réactions n'ont pas tardé. "Moi, je pense qu'il devrait démissionner de son mandat" local, a fustigé sur LCP la cheffe de file des députés insoumis Mathilde Panot. "On ne peut pas être à la fois Premier ministre de la France et maire d'une ville".
François Bayrou avait déjà suscité la controverse en choisissant de se rendre à Pau plutôt qu'à une réunion de crise au ministère de l'Intérieur sur Mayotte, dévastée par un cyclone qui aurait fait des centaines voire des milliers de morts. Il n'y a assisté qu'à distance.
Cette décision est "indigne et irrespectueuse(...) alors même que (l'archipel) traverse l'une des pires tragédies", a notamment dénoncé sur X le député socialiste Arthur Delaporte.
Auparavant, le nouveau locataire de Matignon a organisé une première salve de consultations des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale "par leur ordre d'importance" numérique dans cette chambre.
Marine Le Pen a souhaité que le chantier du mode de scrutin à la proportionnelle, revendiqué aussi par François Bayrou, soit engagé "juste après le budget" et qualifié la proposition de la gauche, de ne pas censurer le gouvernement en échange d'un abandon du 49.3, de "tractations indignes".
- Socialistes sur leur "faim" -
Le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, accompagné par les chefs de groupe, Boris Vallaud pour l'Assemblée et Patrick Kanner pour le Sénat, est ressorti "sur (sa) faim" du rendez-vous, lors duquel ils ont "beaucoup parlé" de ce pacte de non-censure, sans que l'échange soit "conclusif".
S'il engage la même politique que Michel Barnier, "nous le censurerions de la même façon", a-t-il prévenu.
La France insoumise, qui a déjà promis la censure, a elle refusé de rencontrer pour le moment François Bayrou.
Gabriel Attal, chef de file des députés macronistes et président du parti Renaissance, est ressorti sans un mot, pour demeurer selon son entourage "une force facilitatrice".
Quant à Laurent Wauquiez, patron des députés Droite républicaine, il n'a rien dit non plus. Mais son homologue au Sénat, Mathieu Darnaud, qui l'accompagnait, a affirmé ensuite à l'AFP vouloir que M. Bayrou "éclaircisse rapidement sa feuille de route" avec "les sujets régaliens", "l'immigration" ou encore "l'urgence agricole". Si c'est le cas, il a souhaité que la droite "soit représentée de façon significative" au gouvernement.
Les consultations se poursuivront mardi, à commencer par les écologistes, qui ne souhaitent pas "censurer a priori" M. Bayrou.
- Grand oral -
Le temps presse car le futur gouvernement devra porter le nouveau projet de loi de finances pour 2025, interrompu par la censure, alors que le déficit s'aggrave et que les agences de notation froncent les sourcils.
François Bayrou, qui entame son bail à Matignon avec le plus faible niveau de confiance (40%) pour un Premier ministre depuis 2017, selon un sondage BVA Xsight, passera aussi mardi son premier grand oral à l'Assemblée, où il répondra en solo aux questions des députés, car les ministres démissionnaires n'y sont pas autorisés.
Se définissant comme "un Premier ministre de plein exercice et de complémentarité" avec le président Emmanuel Macron, il souhaite former une équipe gouvernementale resserrée et dominée par des "personnalités" d'expérience.
François Bayrou n'a pas l'intention de batailler sur les postes régaliens, qui relèvent du domaine dit "réservé" au président, selon une source gouvernementale.
Le MoDem détient actuellement le portefeuille des Affaires étrangères, avec Jean-Noël Barrot.
M. Bayrou a reçu vendredi le ministre de l'Intérieur sortant Bruno Retailleau (LR), à qui il a laissé le pilotage de la crise à Mayotte comme un gage de la poursuite de sa mission au gouvernement. Mais le maintien de ce ministre clivant divise.
are-lum-far-ama/sde/dsa
E.Winandy--LiLuX