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Violences sexuelles à Bétharram: trois premières gardes à vue
Une accélération après un an d'investigations: trois hommes ont été placés en garde à vue mercredi dans l'affaire des violences physiques et sexuelles au sein de l'établissement catholique Notre-Dame-de-Bétharram, qui pourrait faire l'objet prochainement d'une commission d'enquête parlementaire.
Ces premières mises en cause concernent des hommes nés en 1931, en 1955 et en 1965, pour des faits présumés s'étalant "entre 1957 et 2004", selon le procureur de la République à Pau, Rodolphe Jarry.
"Enfin, quelque chose de très fort se passe", c'est "une immense victoire, la concrétisation d'un combat de 15 mois", a déclaré à l'AFP Alain Esquerre, porte-parole du collectif de plus d'une centaine de plaignants.
Les victimes, âgées de 8 à 13 ans à l'époque des faits, évoquent des masturbations et fellations imposées ou subies plusieurs fois par semaine, des châtiments corporels, menaces et humiliations.
Cette annonce survient quatre jours après une réunion, à Pau, entre des victimes et le Premier ministre François Bayrou, sous pression dans ce dossier depuis la parution, début février, de témoignages affirmant qu'il était au courant de premières accusations contre l'établissement dans les années 1990, ce qu'il dément.
À l'issue de cette longue entrevue, le chef du gouvernement avait promis des moyens supplémentaires pour l'enquête. Le parquet a toutefois souligné mercredi que le calendrier des interpellations avait été arrêté "dès le 31 janvier 2025".
- 132 plaintes -
Le collectif des victimes de Bétharram a recensé à ce jour 132 plaintes, soit une quinzaine de signalements supplémentaires en quelques jours. Le parquet en confirmera le nombre total à l'issue des gardes à vue qui peuvent durer jusqu'à 48 heures, a indiqué le procureur.
Parmi ces plaintes, "rares" sont celles qui ne sont pas frappées par la prescription, estime Alain Esquerre, qui indiquait en juillet que deux laïcs toujours en vie et un prêtre décédé étaient particulièrement visés.
En février 2024, un laïc encore en poste avait été démis de ses fonctions peu après l'ouverture de l'enquête.
Une vingtaine de victimes de Bétharram ont d'ores et déjà été indemnisées par la Commission reconnaissance et réparation (CRR), qui accompagne les personnes abusées dans des congrégations catholiques.
Depuis deux semaines, le scandale Bétharram éclabousse le Premier ministre, François Bayrou, dont plusieurs des enfants ont été scolarisés dans le passé dans cette institution béarnaise, où son épouse a enseigné le catéchisme.
Celui qui a été ministre de l'Éducation de 1993 à 1997 répète n'avoir "jamais été informé" dans le passé des agressions sexuelles et viols dans l'établissement et a contre-attaqué mardi en visant le gouvernement de Lionel Jospin, au pouvoir en 1998, au moment d'une première plainte pour viol, abandonnée après le suicide du prêtre mis en cause début 2000.
- La Ciivise demande un audit -
Devant l'Assemblée nationale, il a réaffirmé mardi n'être "jamais" intervenu, "ni de près ni de loin", auprès de la justice, rappelant même avoir commandité une enquête académique en 1996 après une première plainte d'élève pour une violente gifle.
L'inspecteur académique, qui concluait à l'époque que les élèves n'étaient pas "brutalisés" à Bétharram, a exprimé mercredi des regrets, estimant que son rapport de trois pages "ne tient pas la route actuellement".
Ses propos, rapportés par la Cellule investigation de Radio France, ont "sidéré" et "scandalisé" Alain Esquerre, qui estime que "si ce monsieur avait fait son travail, son rapport aurait fait scandale, le procureur aurait été saisi et on aurait évité tous les viols et violences perpétrés ensuite pendant une dizaine d'années au sein de l'établissement".
À l'Assemblée nationale, la création d'une commission d'enquête "sur les modalités du contrôle de l'État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires" a été votée à l'unanimité, mercredi, en commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Le périmètre de cette commission, dont la création doit encore être officiellement actée, "vise à protéger tous les élèves de notre pays", a déclaré devant la presse le député LFI Paul Vannier, qui a de nouveau accusé mardi M. Bayrou de "mensonge" et d'avoir "changé par trois fois déjà (sa) version" des faits dans cette affaire.
La Commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a demandé pour sa part un audit global sur les dispositifs d'alerte existants dans les établissements accueillant des enfants, estimant que "Bétharram n'est pas un cas unique".
Cette commission indépendante, chargée de conseiller le gouvernement pour la lutte contre la pédocriminalité, rappelle avoir préconisé "dès 2023 que le dispositif de remontées systématique d'alertes en cas de violences sexuelles dans les établissements sportifs soit étendu pour tous les lieux qui accueillent les enfants".
Selon l'instance, 160.000 mineurs sont victimes de violences sexuelles chaque année en France.
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R.Thill--LiLuX