En France, la mobilisation des agriculteurs fléchit sur le terrain
Les manifestations d'agriculteurs, qui avaient repris avec force à la mi-novembre en France, se tassent devant la vacance gouvernementale et à l'approche de la trêve des confiseurs.
Mercredi encore, des dizaines de tracteurs ont bloqué le centre de Dijon en signe de protestation contre la censure du gouvernement et contre l'accord entre l'UE et des pays latino-américains du Mercosur.
Des bennes chargées de vieux pneus, paille et lisier ont déversé leur chargement devant la Maison de l'Europe. Un important dispositif policier les a empêchés de faire de même devant la préfecture, sans provoquer de troubles.
"On continuera à avoir des actions fortes et massives", a promis le président de la FDSEA (syndicat majoritaire) de Côte-d'Or, Jacques de Loisy, sous les coups de klaxon des engins agricoles.
Toutefois, dans les faits, la mobilisation a nettement reflué.
Les autorités ont recensé mercredi matin huit actions dans autant de départements mobilisant plus de 400 agriculteurs avec une centaine de tracteurs. Une participation bien éloignée de celles des premiers jours de la mobilisation à la mi-novembre, quand l'alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) avait organisé des actions dans la plupart des départements.
"A l'approche des fêtes de fin d'année, les mobilisations agricoles se poursuivent avec une baisse des actions et de la participation dans les territoires et une grande difficulté pour les organisations syndicales à mobiliser sur le terrain", ont constaté les autorités.
En fin de semaine dernière, le numéro 2 des JA, Quentin Le Guillous, avait indiqué à l'AFP que les modalités d'action allaient "se durcir", les agriculteurs étant dépités par la vacance gouvernementale à Paris et la conclusion à Montevideo de l'accord de libre-échange UE-Mercosur, dénoncé comme une "menace existentielle".
- Rivalité syndicale -
La chute la semaine dernière du gouvernement de Michel Barnier s'est traduite par une mue de la mobilisation, au profit d'actions de protestation devant des permanences de députés, qui ont été murées, peinturlurées ou visées par des déversements de fumier.
Elles ont surtout ciblé des députés du Nouveau front populaire (NFP) - dont l'ex-président et député de Corrèze François Hollande - et du Rassemblement national (RN) qui ont voté la censure du gouvernement la semaine dernière.
Les agriculteurs considèrent que la censure a suspendu la concrétisation des promesses faites aux syndicats depuis les grandes manifestations de l'hiver dernier.
Mercredi, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a condamné "fermement" ces actions qui ont visé, selon elle, plus de 30 députés en l'espace d'une semaine.
"La détresse et les inquiétudes, aussi légitimes qu'elles soient, ne sauraient s'exprimer par l'intimidation à l'endroit de représentants démocratiquement élus", a-t-elle affirmé dans un communiqué.
Les manifestations agricoles ont repris dans un contexte troublé pour le secteur: nouvelles maladies animales décapitant des troupeaux, mauvaises vendanges et mauvaises récoltes de céréales par endroit, et ce alors que se profilent des élections professionnelles qui déterminent la gouvernance des chambres d'agriculture et les subsides versés aux syndicats.
Engagés dans une forme de duel, l'alliance majoritaire FNSEA-JA et son rival de la Coordination rurale (CR) s'emploient à monter des actions spectaculaires, génératrices d'images fortes.
Mercredi matin, une cinquantaine de membres de la CR, venus du Lot-et-Garonne, de Haute-Garonne et du Gers, ont ainsi tenté de bloquer la circulation des camions frigorifiques au nord de Toulouse, pour protester contre l'accord UE-Mercosur.
Leur action a rapidement été enrayée par la présence massive des forces de l'ordre.
A l'autre bout de la France, à l'initiative de FNSEA-JA, des agriculteurs ont bloqué pendant quelques heures l'autoroute A16 dans le sens Boulogne-Dunkerque à Coquelles, près du tunnel sous la Manche, également pour dénoncer le traité avec le Mercosur.
Des déviations ont été mises en place et la manifestation n'a eu "aucun impact sur les plateformes transmanches", c'est-à-dire le tunnel sous la Manche et le port de Calais, selon la préfecture du Pas-de-Calais.
Lors des manifestations passées, des "bonnets jaunes" de la CR s'étaient introduits dans des locaux de l'Office français de la biodiversité (OFB), dont ils demandent la dissolution.
Quatre d'entre eux ont été placés en garde à vue mercredi à Guéret. Une vingtaine d'agriculteurs étaient présents dans l'après-midi devant le commissariat du chef-lieu de la Creuse "pour soutenir les collègues, pas pour casser", selon le syndicat.
A.Schmit--LiLuX