Syrie: le nouveau pouvoir appelle la population à fêter dans les rues "la victoire de la révolution"
Le chef de la coalition armée qui a pris le pouvoir à Damas, Abou Mouhammad al-Jolani, a appelé les Syriens à descendre vendredi en masse dans les rues pour célébrer la "victoire de la révolution", après la chute dimanche du pouvoir de Bachar al-Assad.
"Je veux féliciter le peuple syrien pour la victoire de la révolution et je les appelle à descendre dans les rues pour exprimer leur joie", a affirmé Abou Mouhammad al-Jolani, qui se fait appeler désormais de son vrai nom, Ahmad al-Chareh.
A l'issue d'une offensive de 11 jours, la coalition rebelle dominée par le groupe islamiste sunnite radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) de M. Jolani s'est emparée dimanche de Damas, mettant fin à un demi-siècle de pouvoir de la famille Assad.
Face aux défis politiques, sociaux et sécuritaires auxquels le pays multiethnique, multiconfessionnel et morcelé doit faire face, les nouvelles autorités tentent de rassurer, et la communauté internationale se mobilise.
Des commerçants vendent le drapeau à trois étoiles, symbole de la révolution désormais adopté par les nouvelles autorités, tandis qu'un haut-parleur diffuse des chants à la gloire de la nouvelle Syrie.
Les dirigeants des pays du G7 se réunissent en visioconférence vendredi pour examiner la situation en Syrie, où le Premier ministre nommé mardi pour diriger un gouvernement transitoire jusqu'au 1er mars a promis d'instaurer un "Etat de droit".
La Jordanie accueillera elle samedi un sommet sur la Syrie réunissant ministres et haut-diplomates américains, européens, arabes et turcs.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, se trouve vendredi à Ankara, après la Jordanie, où il a plaidé jeudi pour "une transition inclusive" vers un gouvernement "responsable et représentatif".
HTS affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis.
- "Impératif" de lutter contre l'EI -
M. Blinken a jugé vendredi dans la capitale turque "impératif" de lutter contre la résurgence du groupe jihadiste Etat islamique (EI), lors d'une conférence de presse avec son homologue, Hakan Fidan.
Evoquant les activités militaires israélienne et turque depuis la victoire rebelle, il avait jugé jeudi "vraiment important" que tous fassent "en sorte de ne pas déclencher de nouveaux conflits".
La Turquie soutient des forces rebelles luttant contre le contrôle kurde dans le nord-est syrien où les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes et soutenues par les Etats-Unis, sont "essentielles", selon M. Blinken, dans la lutte contre l'EI.
Ankara ne permettra "jamais de la faiblesse dans la lutte contre" l'EI, a assuré jeudi soir le chef de l'Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, à M. Blinken. Mais il a souligné sa détermination à empêcher que le PKK --Parti des travailleurs du Kurdistan considéré comme terroriste par la Turquie-- ne mette à profit "la situation sur le terrain" en Syrie.
Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a lui ordonné vendredi à l'armée de "se préparer à rester" tout l'hiver dans la zone tampon avec la Syrie à la lisière de la zone du plateau du Golan annexée par Israël après sa conquête en 1967, où elle a fait incursion après la victoire rebelle, condamnée par l'ONU.
Israël a aussi annoncé ces derniers jours des centaines de frappes en Syrie contre des sites militaires stratégiques. Son objectif est que les équipements de l'armée syrienne ne tombent pas entre de "mauvaises mains", a mis en avant M. Blinken, mais Washington discute avec Israël "de la voie à suivre".
- "Joie indescriptible" -
Dans la ville de Soueida, fief de la minorité druze de Syrie, des centaines d'habitants affluent dans la matinée sur la place centrale, théâtre de manifestations antigouvernementales depuis un an et demi.
"Notre joie est indescriptible", s'exclame Haitham Houdeifa, 54 ans. "Tant que le peuple syrien avancera uni, rien ne peut lui arriver", ajoute-t-il.
L'administration autonome kurde a de son côté annoncé jeudi troquer le drapeau kurde pour les nouvelles couleurs flottant sur Damas.
Le Premier ministre de transition, Mohammad al-Bachir, a appelé les Syriens exilés à rentrer, s'engageant à "garantir les droits de tous" et "de toutes les confessions".
Quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population, ont fui le pays depuis 2011, quand la répression de manifestations prodémocratie a déclenché une guerre civile dévastatrice qui a fait plus d'un demi-million de morts.
A Alep, où la communauté chrétienne s'est réduite à quelque 30.000 personnes depuis 2011, le Père Bahjat dit comprendre les inquiétudes envers le nouveau pouvoir. "Mais sur le terrain nous n'avons pas subi de discrimination", assure-t-il.
Selon l'agence humanitaire des Nations unies (Ocha), 1,1 million de personnes, principalement des femmes et des enfants, ont été déplacées depuis le début de l'offensive rebelle le 27 novembre.
De nombreux Syriens mènent aussi une douloureuse quête de proches disparus lors des décennies de répression.
La Commission d'enquête des Nations unies sur la Syrie a indiqué à l'AFP avoir établi des listes de milliers d'auteurs de crimes graves en Syrie.
Ancien chef de la prison d'Adra à Damas entre 2005 et 2008, Samir Ousman Alsheikh, déjà emprisonné aux Etats-Unis, a été inculpé jeudi pour torture.
R.Martins--LiLuX