Cyclone: les secours s'activent à Mayotte, meurtri et qui manque de tout
Bidonvilles détruits, hôpital endommagé, routes et télécommunications coupées: le passage meurtrier du cyclone Chido a laissé place à la sidération et aux scènes de dévastation à Mayotte, où tout manque et où les secours tentent de retrouver des survivants dans les décombres.
"Un désastre", se désole lundi auprès de l'AFP Yves Michel Daunar, directeur de l'Établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (EPFAM). "Compte tenu de l'habitat", largement précaire dans le petit archipel français de l'océan Indien, "tout est par terre".
"J'ai vu des personnes qui ont le regard dans le vide. On est sur une autre planète", ajoute-t-il.
"Le bilan, il va falloir des jours et des jours pour en avoir un", a averti Bruno Retailleau.
Le décompte est compliqué par le fait que Mayotte est une terre de forte tradition musulmane et que, selon les rites de l'islam, de nombreux défunts ont vraisemblablement été enterrés dans les 24 heures suivant leur décès.
"Tous les bidonvilles sont couchés, ce qui laisse augurer un nombre considérables de victimes", a commenté auprès de l'AFP une source proche des autorités. Mayotte compte officiellement 320.000 habitants, "mais on estime qu'il y a 100.000 à 200.000 personnes de plus, compte tenu de l'immigration illégale", a ajouté cette source, qui estime que peu d'habitants en situation irrégulière ont rejoint les centres d'hébergement avant le passage du cyclone, "sans doute de peur d'être contrôlés".
Emmanuel Macron devait présider une réunion au centre de crise du ministère de l'Intérieur lundi à 18H00. Le Premier ministre François Bayrou, à Pau pour le conseil municipal, devait suivre la réunion interministérielle à distance.
Devant les députés, le ministre démissionnaire de l'Economie Antoine Armand s'est engagé à présenter des mesures "pour assurer la continuité de l'Etat et venir en aide le plus vite possible" aux Mahorais.
Avec des rafales de vent à plus de 220 km/h, le cyclone Chido - le plus intense qu'ait connu Mayotte depuis 90 ans - a ravagé samedi ce petit archipel où environ un tiers de la population vit dans de l'habitat précaire, totalement détruit.
La catastrophe est d'autant plus exceptionnelle que les cyclones sont rares localement à cette saison de l'année. Chido a probablement été favorisé par des eaux de surface proches de 30°C dans la zone, ce qui fournit plus d'énergie aux tempêtes, un phénomène de réchauffement climatique déjà observé. L'impact du cyclone a surtout été exceptionnel parce que son oeil a percuté directement les terres.
- "On survit" -
De nombreuses routes sont impraticables et beaucoup de communications toujours impossibles.
"On est complètement coupé du monde", témoigne à l'AFP Antoy Abdallah, un habitant de Tsoundzou. "On n'a accès à aucune information. On n'a ni la radio, ni internet, ni le téléphone", se désole l'homme de 34 ans. "Il n'y a pas d'eau, pas d'électricité. On survit. Il n'y a plus un arbre debout", déplore Yves Michel Daunar, précisant que "les besoins, c'est l'eau d'abord".
"Si on n'agit pas vite, c'est un drame sanitaire qui va se jouer", abonde Youssouf Ambdi, maire de Ouangani.
La situation du système de soins est "très dégradée" avec un hôpital "très endommagé" et des centres médicaux "inopérants", a déclaré la ministre démissionnaire de la Santé, Geneviève Darrieussecq.
Selon la Croix-Rouge française, 20 tonnes de matériel sont en train d'être acheminées depuis La Réunion.
Le dispositif de soutien s'appuie en outre sur trois avions et deux navires militaires, selon l'état-major des armées.
- Mineurs "délaissés" -
Les secouristes s'attendent à trouver de nombreuses victimes dans les décombres des bidonvilles très peuplés, notamment dans les hauteurs de Mamoudzou.
Selon Florent Vallée, de la Croix-Rouge française, "des familles entières" et "beaucoup d'enfants mineurs seuls" et "délaissés" vivent dans les bangas, ces petites maisons traditionnelles désormais détruites.
Des habitants évoquent un climat d'insécurité, avec des scènes de pillages dans la zone industrielle de Kawéni à Mamoudzou, comme l'a rapporté à l'AFP Frédéric Bélanger, 52 ans.
"Les pillages, c'est ce que tout le monde craint, surtout les gens dont les maisons sont éventrées" a confié à l'AFP Tanya Sam Ming, habitante de la périphérie de Mamoudzou.
L'Union des Comores, pays voisin de Mayotte, a décrété une semaine de deuil national, alors que près de la moitié de la population officielle du territoire français en est originaire. Une minute de silence a été observée à l'Assemblée nationale et au Parlement européen.
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E.Klein--LiLuX