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Brésil: Bolsonaro contre-attaque après son inculpation
Inculpé pour un projet présumé de "coup d'Etat" pour se maintenir au pouvoir en 2022, l'ex-président d'extrême droite du Brésil, Jair Bolsonaro, a fustigé mercredi de "vagues accusations" d'un "régime autoritaire", dans l'attente d'une décision de la Cour suprême sur l'ouverture ou non d'un procès.
"Le monde est attentif à ce qui se passe au Brésil (...) Tout régime autoritaire, dans sa soif de pouvoir, doit fabriquer des ennemis internes pour justifier les persécutions, les censures et les emprisonnements arbitraires", a réagi Jair Bolsonaro, 69 ans, sur le réseau social X.
"Ils fabriquent de vagues accusations, se disent préoccupés au sujet de la démocratie ou de la souveraineté, mais ils persécutent des opposants, font taire les voix dissidentes et concentrent le pouvoir", a-t-il ajouté.
Le Parquet a annoncé mardi soir l'inculpation de M. Bolsonaro et 33 autres suspects, pour la plupart des militaires haut gradés, "accusés d'avoir incité et exécuté des actes contraires aux trois pouvoirs et à l'Etat de droit démocratique".
Selon l'acte d'accusation, basé sur un rapport de plus de 800 pages de la Police fédérale présentant des preuves réunies durant deux ans d'enquête, l'ex-président (2019-2022) était le "leader" d'une organisation criminelle qui a conspiré pour conjurer sa défaite électorale d'octobre 2022 face à son successeur de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
Le juge de la Cour suprême en charge, Alexandre de Moraes, a indiqué mercredi avoir donné 15 jours pour que la défense puisse soulever d'éventuelles contestations, avant d'analyser les arguments des parties.
Ensuite, la Cour déterminera d'un éventuel renvoi.
- "Dictature de la toge" -
"Si les juges arrivent à la conclusion qu'ils sont coupables, (les inculpés) devront payer pour l'erreur qu'ils ont commise", a affirmé le président Lula, tout en soulignant que les accusés avaient droit à "la présomption d'innocence", lors d'une conférence de presse à Brasilia aux côtés du Premier ministre portugais Luis Montenegro.
Le député Carlos Jordy, du Parti libéral de M. Bolsonaro, a affirmé que le Brésil vivait sous une "dictature de la toge", une allusion au vêtement utilisé par les magistrats de la Cour suprême.
Le parquet argumente que l'accusation est "basée sur des documents manuscrits, des fichiers numériques et des échanges de messages qui révèlent un plan de rupture démocratique et décrivent une conspiration contre les institutions".
Ces preuves montrent, selon les enquêteurs, que l'ex-président avait "conscience" d'un plan visant à assassiner Lula, son vice-président Geraldo Alckmin et un juge de la Cour suprême, et avait donné son "consentement" pour son exécution.
Une "dernière tentative" de coup d'Etat a eu lieu le 8 janvier 2023, lors des émeutes de Brasilia, quand des milliers de bolsonaristes ont saccagé les lieux de pouvoir dans la capitale, une semaine après l'investiture de Lula, a souligné le parquet.
Parmi les chefs d'accusation retenus contre Jair Bolsonaro : "coup d'Etat", "tentative d'abolition violente de l'Etat de droit démocratique" et "organisation criminelle armée".
En cas de condamnation, le cumul des peines pourrait totaliser une quarantaine d'années de réclusion.
Mais les experts estiment qu'il ne devrait pas être incarcéré à court terme.
"Je n'imagine pas cette possibilité, car il ne semble pas que les conditions soient réunies pour une prison préventive (prévue notamment quand un accusé tente d'entraver l'enquête). Il devrait répondre à la justice en liberté", explique à l'AFP l'avocat de droit pénal Leonardo Pantaleao.
Mais la situation de l'ex-président est "vraiment grave", et que "même s'il se pose en victime", sa capacité de leadership de l'opposition pourrait être compromise, estime le consultant politique Sergio Praça.
- Facteur Trump -
Jair Bolsonaro est inéligible jusqu'en 2030 pour désinformation sur le système d'urnes électroniques utilisées lors du dernier scrutin.
Il espère toutefois faire annuler cette condamnation pour se présenter à la présidentielle en 2026 en vue d'un come-back comme celui de Donald Trump aux Etats-Unis.
L'ancien capitaine de l'armée a d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises qu'il espérait compter sur l'aide du président américain pour revenir aux affaires.
Trump Media, la société de médias de Donald Trump, a intenté mercredi une action en justice aux États-Unis contre le juge Alexandre de Moraes, lui reprochant d'entraver la liberté d'expression avec des restrictions sur les réseaux sociaux.
Chargé du dossier Bolsonaro, ce magistrat aussi clivant que puissant au Brésil a ordonné par le passé la suppression de comptes de partisans de l'ex-président d'extrême droite soupçonnés de désinformation.
V.Bertemes--LiLuX