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Syrie: la conférence nationale trace les contours du futur Etat, mais sans rallier les Kurdes
La conférence de dialogue national à Damas, tenue mardi, a tracé les grandes lignes du futur Etat en Syrie après la chute de Bachar al-Assad, insistant sur le désarmement nécessaire des groupes armés, mais sans rallier l'administration autonome kurde, qui n'était pas invitée.
Dans leur déclaration finale, les participants ont en outre dénoncé les "déclarations provocatrices" du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui avait averti dimanche que son pays ne permettrait pas aux forces syriennes de se déployer au sud de Damas.
Défendant l'unité et la souveraineté de la Syrie "sur l'ensemble de son territoire", la déclaration finale insiste aussi sur la mise en oeuvre de la justice transitionnelle et l'ancrage des valeurs de liberté dans le pays.
Ces recommandations "serviront de base" pour un plan de réforme des institutions, selon la commission préparatoire de la conférence, censée représenter tous les Syriens, et à laquelle des figures de la société civile, des responsables religieux, des personnalités de l'opposition et des artistes ont participé.
Organisée par le nouveau pouvoir, dirigé par le président par intérim Ahmad al-Chareh, cette conférence constitue une démarche inédite dans le pays qui sort de près de 14 ans de guerre civile.
Elle s'est tenue à l'approche de la formation prévue, le 1er mars, d'un gouvernement devant succéder au cabinet provisoire, et refléter "la diversité" du peuple syrien selon les autorités.
- "Nouvelle phase historique" -
Ahmad al-Chareh, qui a salué mardi une "nouvelle phase historique", avait annoncé qu'il mettrait en place un dialogue national durant la période de transition, ouverte par la prise de Damas, le 8 décembre, par une alliance rebelle menée par son groupe radical islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS).
Il s'est engagé devant la conférence à garantir le "monopole" de l'Etat sur les armes, après que le nouveau pouvoir a annoncé la dissolution de l'armée syrienne et de toutes les factions armées rebelles, dont le HTS.
Dans leur déclaration finale, les participants appellent également à ce que le "monopole des armes" soit "aux mains de l'Etat, à construire une armée nationale professionnelle, et à considérer toute formation armée en dehors des institutions officielles comme des groupes hors-la-loi".
La référence vise notamment les Forces démocratiques syriennes (FDS), bras armé de l'administration autonome kurde.
Peu avant la fin de la conférence, les FDS ont déclaré qu'ils ne seraient "pas partie prenante dans la mise en oeuvre de ses résultats". "Cette conférence ne représente pas le peuple syrien", ont-ils ajouté, soulignant n'y avoir pas "été représentés".
Selon les organisateurs, ni les FDS ni l'administration autonome n'avaient été invités, en raison de l'exclusion de toute entité armée de la conférence.
La déclaration finale exhorte également les autorités à "former un comité constitutionnel pour rédiger un projet de constitution (...) qui ancre les valeurs de justice, de liberté, d'égalité et fonde un Etat de droit".
Les participants affirment le "rejet de toutes formes de discrimination" dans un pays multiethnique et multiconfessionnel.
Ils insistent sur le rejet "de toutes les formes de violence, de provocation et de vengeance", et la mise en oeuvre d'une "justice transitionnelle".
L'agence de presse officielle Sana a indiqué qu'environ 10.000 personnes avaient suivi les travaux en ligne, dont beaucoup de l'étranger.
- "Préserver l'unité" -
En parallèle, des manifestations ont eu lieu mardi dans plusieurs villes syriennes pour protester contre les propos de M. Netanyahu. A Damas, des dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le siège de l'ONU, selon des photographes de l'AFP.
Après la chute de Bachar al-Assad, Israël avait rapidement déployé ses troupes dans la zone démilitarisée du plateau du Golan, ce qui a suscité de nombreuses critiques internationales notamment de la part de l'ONU.
M. Netanyahu a exigé dimanche que "le sud de la Syrie soit complètement démilitarisé", insistant sur le fait qu'il ne permettrait pas à "la nouvelle armée syrienne d'entrer dans la région".
"Nous continuerons à mener une politique qui protège les intérêts du peuple syrien, sans aucune pression ou diktat extérieur", a affirmé pour sa part le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani.
Il a fait part de la volonté de Damas de "garder la porte ouverte au dialogue avec toute partie désireuse de reconstruire ses relations avec nous sur la base du respect mutuel."
Au lendemain de sa désignation comme président intérimaire fin janvier, M. Chareh avait promis de publier un "déclaration constitutionnelle" pour la période de transition, et estimé que son pays, où le Parlement a été dissous après le 8 décembre, aurait besoin de quatre à cinq ans pour organiser des élections.
Y.Wagener--LiLuX