

Une ex-membre de la Fraction armée rouge en procès après trente ans de cavale
Son arrestation dans un quartier bourgeois-bohème de Berlin où elle vivait clandestinement depuis des décennies avait fait sensation. Un an après, Daniela Klette, membre présumée de l'ex-organisation violente d'extrême gauche Fraction armée rouge (RAF), comparaît devant la justice.
Avec cette femme de 66 ans, qui a longtemps figuré sur la liste des criminels les plus dangereux d'Europol, c'est toute une page sombre de l'histoire allemande qui refait surface.
La RAF, fondée par Andreas Baader et Ulrike Meinhof, est jugée responsable d'une trentaine d'assassinats entre 1971 et 1991. Le groupe, qui s'est auto-dissous en 1998, a incarné les "années de plomb" à l'allemande, à coups d'actions terroristes contre les institutions, l'armée américaine ou le patronat.
Daniela Klette est soupçonnée d'avoir participé à des attentats -sans faire de victime- mais le procès qui s'ouvre mardi au tribunal de Celle (nord) ne couvre pas ce chapitre de sa vie, toujours en cours d'instruction.
Il porte sur treize vols à main armée visant des fourgons et supermarchés, ainsi qu'une tentative de meurtre dont elle se serait rendue coupable avec deux complices toujours en fuite, Burkhard Garweg et Ernst-Volker Staub.
Dans une missive rendue publique en décembre 2024, M. Garweg, sans reconnaître les forfaits, avait indiqué qu'il avait été totalement exclu "pour eux" de tuer des gens ou de les blesser pour se procurer de l'argent.
Les enquêteurs évaluent leur butin, ayant servi à financer leurs vies de fugitifs, à quelque 2,7 millions d'euros.
L'intervention de Mme Klette mardi est très attendue.
"Elle ne s'exprimera pas sur les différentes accusations, mais elle nommera quelques éléments qui sont importants pour elle dans cette procédure", ont précisé ses avocats au journal de gauche berlinois TAZ.
- "Il m'ont eue" -
L'histoire relève du rocambolesque, à commencer par son arrestation, le 26 février 2024, quand des policiers frappent à la porte de son appartement au cinquième étage d'un immeuble du quartier de Kreuzberg, où elle vivait depuis une vingtaine d'années sous un nom d'emprunt, Claudia Ivone, et avec un passeport italien.
Elle entrouvre, accepte de les suivre au poste, puis referme dans un premier temps la porte pour éloigner son chien "qui jappait de façon agressive", selon des propos d'un responsable policier rapportés par des médias.
Une fois les enquêteurs entrés, elle demande à pouvoir aller aux toilettes. C'est probablement à ce moment là qu'elle enverra un sms avec les mots "ils m'ont eue" pour avertir son compère Burkhard Garweg, qui vit alors dans une roulotte à l'est de Berlin.
Les avocats de Mme Klette s'élèvent contre le portrait de médias la décrivant comme une dangereuse "terroriste".
Elle "s'est laissée emmener sans résistance", soulignent-ils. En prison "elle enseigne l'allemand à d'autres détenues et anime un cours de cuisine".
Des voisins interrogés par le journal Bild l'avaient décrite comme une personne sympathique, vivant avec un partenaire du même âge, et disant toujours bonjour quand elle promenait son chien.
- Logiciel d'identification faciale -
Les fouilles pratiquées plus tard dans son logement ont toutefois mis au jour un arsenal constitué d'"armes de guerre et d'explosifs", dont une kalachnikov, un pistolet mitrailleur, ainsi que de l'argent liquide -elle n'avait pas de compte en banque- et de l'or.
La police de Basse-Saxe, qui enquêtait sur les vols, avait déclaré l'avoir localisée après une longue enquête et sur la base d'une information d'une personne privée.
Un journaliste du collectif d'enquête Bellingcat avait toutefois déjà retrouvé sa trace "en une demi heure" quelques mois auparavant dans le cadre de recherches pour son podcast, avait-il raconté au magazine Der Spiegel.
Et ce en insérant simplement une photo d'elle dans le logiciel PimEyes qui permet d'identifier des visages sur internet.
Car la fugitive postait des photos sur un compte facebook et était active dans un club de Capoeira, mélange de sport de combat et de danse afro-brésilienne.
La police n'a pas confirmé un lien entre la découverte du journaliste et l'arrestation.
La ministre de l'Intérieur Nancy Faeser avait élaboré dans la foulée un texte de loi autorisant les forces de l'ordre à utiliser ce type de software pour rechercher des criminels présumés sur le net.
A.Meyers--LiLuX