Présidentielle en Irak: les cartes rebattues après la suspension d'un des deux favoris
L'ex-ministre kurde et favori du scrutin présidentiel Hoshyar Zebari a été "temporairement" écarté dimanche par la justice à cause d'accusations de corruption, à la veille d'un vote au Parlement visant à désigner le nouveau chef de l'Etat.
C'est un double coup dur qui s'abat sur M. Zebari, 68 ans, en l'espace de 48 heures.
Vendredi, son principal soutien dans la course à la présidence, le versatile leader chiite Moqtada Sadr, lui retirait son appui en raison, déjà, de ces accusations de corruption. Accusations pour lesquelles M. Zebari avait affirmé n'avoir jamais été condamné.
Ces rebondissements illustrent les dissensions politiques qui viennent une fois encore plomber le calendrier politique irakien.
Car l'élection du président de la République lundi intervient dans un contexte incertain: les législatives, remportées par le courant sadriste il y a près de quatre mois, n'ont pas permis de former une coalition pour désigner un Premier ministre.
Et la tenue du scrutin de lundi est fortement menacée par le boycott des 73 députés sadristes.
Même si, en théorie, cette décision annoncée samedi ne devrait pas entraîner de défaut de quorum pour l'élection présidentielle, puisque deux tiers des 329 députés doivent être présents pour permettre le vote.
- "Abus de pouvoir" -
La suspension "temporaire" de la candidature de M. Zebari a été décidée pour permettre à la Cour suprême fédérale, plus haute instance judiciaire du pays, de se prononcer sur une plainte déposée par des députés, selon le verdict rendu par le tribunal et publié par l'agence de presse officielle INA.
Les plaignants estiment que M. Zebari ne remplit pas les conditions requises par la Constitution, citant notamment son limogeage en 2016 par le Parlement lorsqu'il était ministre des Finances "en raison d'accusations liées à des faits de corruption financière et administrative".
La plainte évoque aussi au moins deux autres affaires judiciaires l'impliquant, notamment quand il était chef de la diplomatie irakienne.
M. Zebari serait aussi dans le viseur de la justice pour "abus de pouvoir" en lien avec "des sommes importantes dépensées concernant un bâtiment qui n'appartient pas à l'Etat".
Plusieurs fois ministre à Bagdad entre la chute de Saddam Hussein en 2003 et 2016, il est aussi l'un des hauts responsables de l'influent Parti démocratique du Kurdistan (PDK).
Parmi les quelque 25 candidats en lice, M. Zebari faisait partie jusqu'à dimanche des favoris au scrutin présidentiel, tout comme Barham Saleh, le président sortant, issu du parti rival de l'Union démocratique du Kurdistan (UDK).
- "Partage du gâteau" -
Depuis les premières élections multipartites de 2005, l'usage veut que le poste largement honorifique de président de la République revienne à un Kurde.
Dans les 15 jours suivant son élection, le président de la République doit désigner un Premier ministre, choisi par la plus large coalition au Parlement.
Une fois désigné, le Premier ministre, traditionnellement chiite, a un mois pour former un gouvernement.
Mais la suite du processus s'annonce houleuse.
Moqtada Sadr a ainsi affirmé avoir suffisamment de sièges au Parlement pour former un "gouvernement de majorité nationale", espérant rompre avec la tradition du consensus qui permet à tous les grands partis de se partager le pouvoir.
Mais c'est sans compter avec l'Alliance de la Conquête, vitrine politique des anciens paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi, et ses alliés chiites du Cadre de coordination, qui regroupent des partis également pro-iraniens.
Leurs députés ont présenté un recours devant la Cour suprême fédérale pour faire reconnaître que leur coalition est majoritaire.
Une demande retoquée par la plus haute instance constitutionnelle d'Irak, qui a assuré ne pas pouvoir trancher à l'heure actuelle, les blocs parlementaires pouvant changer.
"Personne ne sait être dans l'opposition, tout le monde sait comment se partager le gâteau", remarque auprès de l'AFP le politologue irakien Hamzeh Hadad, voyant se profiler une "coalition élargie".
Les négociations politiques autour du poste de Premier ministre ont été accompagnées de violences.
Fin janvier trois roquettes sont tombées près de la maison du président du Parlement, Mohammed al-Halboussi. En novembre, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi a échappé à une tentative d'assassinat.
U.Kremev--LiLuX