Trail: Martin Johnson, ce coureur britannique noir qui veut faire tomber les barrières
C'était le 25 mai 2021. Un an après le meurtre aux Etats-Unis de George Floyd asphyxié par un policier, le trailer britannique noir Martin Johnson a signé un exploit en courant 38 heures le long de la Tamise. Depuis, il n'a de cesse de motiver les minorités à découvrir les courses nature, où elles sont sous représentées.
Né il y a 39 ans dans la banlieue de Londres qu'il n'a jamais quittée, Martin Johnson a toujours été fasciné par la Tamise en ayant en tête un jour de courir toute la longueur du fleuve qui se jette dans la mer du Nord. Un pari fou de 38 h 35 min sur 296 km, qu'il raconte dans un film "Run to the source", réalisé par Matt Kay (Patagonia).
Johnson n'a pas seulement voulu réussir une prouesse sportive. Il a tenu à éveiller les consciences sur la quasi-absence de Noirs et de métis sur les courses de trail et d'ultra-trail.
"J'ai découvert le trail en 2018 et je me suis retrouvé comme seul coureur noir ou métis sur la ligne de départ. Avec le confinement, le mouvement +Black Lives Matter+ et le meurtre de George Floyd, ces problématiques ont été davantage débattues. J'ai rencontré quelques coureurs qui vivaient la même chose que moi. Et alors qu'on n'en parlait pas vraiment auparavant, on s'est questionné: +pourquoi les gens de couleur ne profitent pas des activités outdoor comme le trail ?+", raconte à l'AFP Martin Johnson.
- Black Trail Runners -
Lui et d'autres coureurs ont alors créé le groupe "Black Trail Runners", une plate-forme en ligne unique en son genre destiné à "augmenter la représentation des personnes noires dans le trail au Royaume-Uni" et qui a pris de l'ampleur pour atteindre quelque 8.000 abonnés sur Instagram.
Johnson a d'abord voulu comprendre. Et il a étudié l'histoire, notamment celle de la génération Windrush, les immigrants des Caraïbes venus s'installer en Grande-Bretagne dans les années 50-60, comme son père.
"Les migrants étaient des personnes qui vivaient tout le temps en extérieur à cause du climat et ils ont été confinés dans des zones urbaines en arrivant au Royaume-Uni et cette connexion qu'ils avaient avec la nature a été rompue. Il n'y avait plus ce sentiment d'appartenance aux espaces extérieurs. Aujourd'hui, 97% des Noirs et des minorités ethniques vivent dans des centres urbains. Il y a un élément culturel", argumente Johnson, dont la mère est une Anglaise blanche.
"Et si vous regardez dans les magazines ou les sites spécialisés en trail, on ne voit que des hommes blancs d'âge mûr. Et quand la jeune génération de Noirs et métis voit ça, ils se disent que ce n'est
pas pour eux parce qu'ils ne peuvent pas s'identifier", défend-il.
"Il faut faire tomber ces barrières en créant de la représentation pour une plus grande diversité ethnique".
- Pas un combat -
Et pas seulement dans le trail, mais aussi sur d'autres sports en plein air comme le surf, le VTT, l'alpinisme ou encore l'escalade. "Vous ne pouvez pas être ce que vous ne voyez pas", répète-t-il.
En marquant les esprits avec sa performance hors-du-commun, ce père de deux jeunes garçons a souhaité inspirer, sans chercher à entrer dans un combat.
"Dans un monde idéal, +Black Trail Runners+ n'existerait pas parce que ces barrières et ces problématiques n'auraient pas lieu d'être. Ce n'est pas un combat, ce n'est pas une action militante. Il s'agit juste d'un groupe d'individus qui veut juste encourager la participation aux activités de trail des minorités ethniques mais aussi des personnes vivant en milieu urbain".
"Il y a tellement de bénéfices à tirer de la diversité. D'un point de vue purement sportif, cet énorme potentiel encore inexploité ne peut que pousser encore plus haut les performances", argue Johnson, qui veut aussi sensibiliser l'industrie du sport et les organisateurs de courses.
Selon Johnson "les directeurs de courses de trail" avec lesquels il discute, "connaissent tous les participants noirs et métis par leurs noms tellement ils sont peu nombreux".
"Tout le monde en a conscience, mais personne n'osait en parler parce que ce sont des sujets tabous et que les gens craignaient d'offenser. Mais avec les événements de 2020, on parle plus aisément des problématiques de race", se satisfait-il.
A.W.Flammang--LiLuX